BENAMOUR Adolphe

Adolphe Benamour est né à Djilali Ben Amar le 15 mars 1913. Issu d’une famille juive autochtone, il reçoit le prénom d’Adolphe en souvenir de l’action d’Adolphe Crémieux qui accorda la citoyenneté française aux juifs d’Algérie. Ses parents, petits commerçants, ne sont pas engagés politiquement. S’ils votent pour les partis républicains, il faut davantage y voir un réflexe communautaire qu’une conscience politique affirmée. Adolphe Benamour sera lui plus marqué politiquement, notamment par le biais de son engagement professionnel.

Élève de l’EPS de Mascara, il obtient son BEPS et intègre l’école normale d’Alger-Bouzarea en 1930. À sa sortie, en 1933, il obtient un poste dans son EPS d’origine, poste qu’il cumule avec la fonction de surveillant général. La même année, il adhère au SNI, syndicat au sein duquel il soutient la tendance Ecole Emancipée. L’année suivante, il est admis à la section SFIO et optera dans un premier temps pour la tendance zyromskiste. Durant ces quelques années qui le séparent du son service militaire et de la seconde guerre mondiale, il fait son apprentissage politique et syndical, tout en développant son engagement associatif. Il est ainsi adhérent de la LICA mais aussi de la ligue de l’enseignement à laquelle est affiliée l’Union laïque de Mascara.

En 1938, il est appelé sous les drapeaux. Après sa démobilisation, il retrouve son poste jusqu’en décembre 1940. En effet, suite à l’abrogation du décret Crémieux, il perd sa nationalité, mais aussi son emploi de fonctionnaire. Jusqu’au débarquement allié de novembre 1942, il donnera des cours particuliers pour vivre. Membre du Comité d’action socialiste et du Combat depuis 1942, il retrouve sa nationalité en avril 1943. Entre temps, il est de nouveau mobilisé dans la première DB et ce jusqu’en juin 1945. De retour en Algérie, il réintègre son poste à Mascara et s’engage activement dans la reconstitution du SNI et de la SFIO. Secrétaire de la section socialiste de Mascara, il défend le rapport moral de Daniel Mayer en 1946. Après la défaite de ce dernier, il acceptera progressivement de soutenir le nouveau secrétaire général.

Secrétaire du SNI, il participe à la mise en place de la MGEN et intègre le conseil syndical. Dans les années 1950, il candidate à ses premiers mandats électoraux. Reconnu dans le parti, bien perçu par les électeurs musulmans, il bénéficie du processus électoral enclenché par la recomposition des collèges électoraux algériens. Il devient ainsi conseiller municipal (1958- 60), conseiller général de Mascara ((1957-1960) et membre de l’assemblée régionale d’Oranie  (1957-60). Militant laïque et syndical, il s’implique fortement, au sein de ces assemblées, des questions scolaires et laïques. Pour autant, il s’engage aussi dans le devenir économique et social de l’Algérie. Il est ainsi, de 1959 à 1962, rapporteur général de la commission départementale du plan à Mostagadem (Plan de Constantine).

Face à la guerre d’Algérie, Adolphe Benamour se révèlera un soutien permanent de Denis Forestier. Il soutient ainsi sa politique de négociation avec le MNA et participe à la reconstitution du SNI suite à la scission provoquée par les partisans de l’Algérie Française. Menacé de mort par l’OAS pour ses prises de position hostiles à cette organisation, il reçoit un soutien appuyé du FLN qui lui offre même une protection rapprochée. Néanmoins, face à la politique de Robert Lacoste et de Guy Mollet, il ne remet pas en cause le secrétaire général du parti et restera fidèle à ce dernier. Avec l’avènement de l’Algérie indépendante, Adolphe Benamour décide de rester dans le pays (il est alors membre d’une section d’Outre-Mer). De 1962 à 1968, il est ainsi détaché en coopération culturelle au lycée Djamal Eddine El Afghani de Mascara. De même, pour un temps, il intègre le nouveau conseil municipal, dont le maire est un de ses anciens élèves.

À sa retraite, fin 1968, Adolphe Benamour décide de s’installer à Montpellier où ses enfants font leurs études. Il va dès lors entamer une deuxième carrière militante. Dès son installation, il est contacté par la petite minorité des autonomes qui cherche à contrebalancer l’hégémonie de l’École Émancipée sur le SNI. Dès 1969, il est candidat non élu au conseil syndical. En 1971, il est cette fois élu, les autonomes gagnant 7 sièges. Il est alors de ceux qui militent activement pour que les instituteurs socialistes appuient leur tendance. Sa situation de retraité en fait un quasi-permanent du syndicat, mais aussi un membre actif du milieu laïque et de la SFIO. De 1969 à 1972, il est ainsi secrétaire général de la FCPE. La même année, il intègre le bureau de la fédération des œuvres laïques. Enfin, il est depuis 1972 délégué départemental de l’éducation nationale. Ce n’est par contre qu’à partir des années 1980 qu’il adhèrera à la ligue des droits de l’homme, après l’adhésion de son président, Pierre Antonini, au parti socialiste. Son ascension au sein du parti est tout aussi rapide. En 1969, il est secrétaire adjoint de la section de Montpellier avec Robert-Félix Fabre puis Michel Crespy. En 1971, il intègre le bureau fédéral et prend plus particulièrement en charge la rédaction du Combat Socialiste, le journal fédéral. La même année, il est candidat non élu sur la liste socialiste de Georges Frèche à Montpellier. Lors du congrès d’Épinay, il opte pour la tendance Savary qui est majoritaire dans le département. Adophe Benamour s’affiche comme un fidèle soutien du secrétaire Charles Alliès, en place depuis 1944. Il le soutient encore en 1972 alors que la majorité s’est ralliée au mitterrandisme. L’année suivante, Charles Alliès devenu sénateur abandonne son mandat.

Avec le soutien de Maurice Rabier, ancien député, Charles Alliès le désigne comme son successeur et il bat aisément le candidat conventionnel Georges Sutra. L’appui des principaux notables du département lui permet de contrecarrer, en 1975, une nouvelle offensive de G. Sutra qui avait obtenu le soutien de mitterrandistes locaux. S’engageant à ne pas postuler de mandats électoraux, il tente de consolider la cohésion d’un parti qui connaît un afflux massif de nouveaux militants répartis dans plus de 160 sections. S’appuyant sur les petits courants (CERES, rocardiens, poperenistes), il développe la fédération, notamment ses bases les plus fragiles, celles des petites sections rurales qu’il visite régulièrement. Malgré ce, en 1979, il doit faire face à la montée en puissance de Gérard Delfau, alors secrétaire national, avec qui, solution de compromis, il partage désormais le secrétariat. Néanmoins, l’élection de ce dernier comme sénateur en 1980 entraînera sa démission et restituera à Adoplhe Benamour la direction de la fédération. Ce n’est qu’en 1981 qu’il s’effacera, devant la candidature de Yannick Le Masson, ancien secrétaire de la FEN. Toujours membre du bureau fédéral, secrétaire administratif de la fédération, il se rapproche quelques années plus tard du courant Poperen, comme nombre de laïques locaux. En 1989, il se retrouve une nouvelle fois promu secrétaire fédéral suite au climat délétère qu’engendre la préparation du congrès de Rennes et la rivalité entre les courants Jospin et Fabius. À la suite de la démission de Yannick Le Masson, Gérard Saumade, président du conseil général (fabiusien) et Georges Frèche, maire de Montpellier (jospiniste) s’entendent sur son nom pour assurer de manière transitoire la direction de la fédération. Après la victoire des jospinistes, il rétrocède son poste à son successeur, Robert Navarro, restant depuis lors membre du bureau fédéral. Adolphe Benamour est décédé le 21 août 2003. Il était commandeur des palmes académiques, officier du mérite social et de la légion d’honneur.

Sources : ADH 794 w 18, 1506 w 171. Combat Socialiste, Ecole syndicaliste. Entretiens avec l’auteur.
Entretien avec Maurice Benassaya, Yannick Le Masson, Gérard Delfau, Michel Crespy, Jules Sanson.

Olivier Dedieu